Par jugement en date du 6 juin 2018 le Tribunal d’Arrondissement de et à Luxembourg a rendu exécutoire, pour la première fois, au Grand-Duché de Luxembourg un mandat de protection future de droit français.
Le mandat de protection future est une mesure de protection consistant pour toute personne majeure ou mineure émancipée (mandant) ne faisant pas l'objet d'une mesure de tutelle ou d'une habilitation familiale à désigner à l'avance une ou plusieurs personnes (mandataire) pour la représenter.
Cette notion étant inexistante en droit luxembourgeois et le Grand-Duché n’ayant pas ratifié la Convention de la Haye du 13 juin 2000 relative à la protection des adultes, la partie demanderesse, mandant, n’a eu d’autre choix que de saisir les juridictions afin de voir reconnaître et déclarer exécutoire le mandat au Luxembourg.
Le Procureur d’Etat, partie défenderesse à l’instance, a soulevé le défaut d’intérêt à agir du demandeur alors que, selon lui, le mandat n’avait pas encore pris effet. Pour le Ministère Public « la nécessité hypothétique et future de disposer d’un jugement d’exequatur ne constitue pas un intérêt à agir ».
Le fait que la partie demanderesse soit partie à l’acte notarié dont l’exequatur est sollicité, que la mission confiée au mandataire devait notamment s’exercer au sein de sociétés luxembourgeoises, et l’objet même du mandat, à savoir l’organisation à l’avance de la protection des biens telle que décidée au jour de la signature du mandat et non au jour de sa prise d’effet ont été soulevés par la partie demanderesse pour contester ce moyen.
Le Tribunal a alors retenu que « l’’intérêt à agir dans le chef du demandeur ou du défendeur n’est pas une condition particulière de recevabilité lorsque l’action est exercée par celui-là même qui se prétend titulaire du droit à l’encontre de la personne qu’il a assignée ».
L’existence du droit ne constitue ainsi pas une condition de recevabilité mais de bien fondé de la demande.
Le Tribunal a ainsi décidé que la partie demanderesse avait intérêt à agir.
Quant à l’exequatur du mandat de protection future, le Tribunal a rappelé que « le juge saisi d’une demande d’exequatur n’apprécie pas la fond de l’affaire qui était soumise au juge étranger ».
Après avoir rappelé les conditions d’admissibilité de l’exequatur, à savoir la compétence du tribunal étranger qui a rendu la décision, la conformité de la décision à l’ordre public international et le caractère exécutoire de la décision étrangère, le Tribunal a décidé d’appliquer ces conditions par analogie aux actes notariés.
Le Tribunal en a rappelé que par titre exécutoire, il fallait entendre tous ceux qui sont revêtus de la formule exécutoire, en ce compris les actes notariés et a retenu que l’acte notarié en question ne se heurtait nullement à l’ordre public luxembourgeois.
Le Tribunal en ainsi conclu que le mandat de protection future remplissait toutes les conditions pour être rendu exécutoire au Grand-Duché de Luxembourg.
Ce jugement est susceptible d’appel de la part du Ministère Public.
English version on the right side
In a judgement dated 6 June 2018, the District Court of Luxembourg made a mandat de protection future, under French law, enforceable, for the first time in the Grand Duchy of Luxembourg.
The mandat de protection future is a protective measure which consists of appointing in advance one or more persons (mandatary) to represent any emancipated adult or minor (principal) who is not the subject of a judicial guardianship or a family authorisation.
As this concept does not exist under Luxembourg law and the Grand Duchy of Luxembourg has not ratified the Hague Protection of Adults Convention of 13 January 2000, the plaintiff, as principal (mandant), had no choice but to bring the matter before the courts in order to have the mandate recognised and declared enforceable in Luxembourg.
The State Prosecutor, defendant in the proceedings, raised that the Plaintiff lacked an interest to act as, according to him, the mandate had not yet taken force in France. For the Public Prosecutor's Office "the hypothetical and future need to have an exequatur judgment does not constitute an interest to act".
The fact that the Plaintiff is a party to the notarial deed where exequatur is requested; that the mission entrusted to the mandatary was to be exercised with respect to Luxembourg companies; and the main objective of the mandate, that the organisation to advance the protection of the property was decided on the day that the mandate was signed and not on the day it took effect, were raised by the Plaintiff to contest this plea.
The District Court then ruled that "the interest to act by the plaintiff or the defendant is not a particular condition of admissibility when the action is brought by the very person who claims to hold the right against the person he has summoned".
The existence of the right is thus not a condition of admissibility but a condition to the merits of the claim.
Therefore, the District Court decided that the plaintiff had an interest to act.
As to the exequatur of the mandat de protection future, the District Court recalled that "the judge hearing an application for exequatur does not consider the merits of the claim which was submitted to the foreign judge".
Having recalled the conditions for the admissibility of exequatur, in particular the jurisdiction of the foreign court which rendered the decision, the compliance of the decision with international public policy and the enforceability of the foreign decision, the court decided to apply these conditions by analogy to notarial deeds.
The Court recalled that by executory title was to be understood as all who are covered by the executory formula, including notarial deeds, and held that the notarial deed in question was in no way contrary to Luxembourg public policy.
The Court thus concluded that the mandat de protection future fulfilled all the conditions required to be declared enforceable in the Grand Duchy of Luxembourg.
This decision is still potentially subject to appeal by the Public Prosecutor.
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