La loi du 28 octobre 2022 portant création de la procédure de dissolution administrative sans liquidation (la Loi Dissolution) introduit au Luxembourg une procédure de dissolution administrative simplifiée dont le but est de permettre la dissolution de certaines sociétés éligibles sans recourir à la procédure judiciaire et de liquidation formelle, telle que prévue par l'article 1200-1 de la loi luxembourgeoise sur les sociétés commerciales du 10 août 1915, telle que modifiée (la Loi de 1915).
Contexte et Objectifs
La Loi Dissolution trouve son origine dans la décision de la Commission de la Justice de scinder le projet de loi n°6539 en deux textes distincts, à savoir le projet de loi 6539B traitant de la procédure de dissolution administrative sans liquidation et le projet de loi n°6539A regroupant la réforme des procédures d'insolvabilité.
L'introduction de la procédure de dissolution administrative sans liquidation est le résultat d'observations faites au fil des ans: (i) qu'un nombre important de procédures de liquidation judiciaire concerne des sociétés qui ont commis des infractions répétées à la Loi de 1915 (comme par exemple, l'absence de siège social, la démission de l'ensemble du conseil d'administration sans remplacement, le défaut de dépôt des comptes annuels au Registre du commerce et des sociétés (le RCSL) ; et (ii) que de nombreuses sociétés soumises à la liquidation judiciaire sont dépourvues d'actifs ou ne sont plus opérationnelles depuis un certain temps. Les clôtures de procédures de liquidation pour cause d'absence d'actifs sont en constante augmentation et entraînent une charge administrative importante pour les tribunaux ainsi que des coûts en constante augmentation pour l'État.
Par conséquent, l'introduction d'un mécanisme permettant de se débarrasser de ces "coquilles vides" dans un délai court et à faible coût pour l'État, sous certaines conditions, est devenue d'une importance capitale.
Champ d'application
Les sociétés ne peuvent être dissoutes par cette nouvelle procédure de dissolution administrative simplifiée que si les trois conditions strictes suivantes sont cumulativement remplies:
- Elles n'ont pas de salariés ;
- Elles n'ont pas d'actifs ; et
- Elles tombent dans le champ d'application de l'article 1200-1 de la Loi de 1915, ce qui signifie qu'elles exercent des activités contraires à la loi pénale ou qui contreviennent gravement aux dispositions du Code de commerce ou de la Loi de 1915, y compris en matière de droit d'établissement.
Certaines entités soumises à une surveillance prudentielle sont exclues de la nouvelle procédure de dissolution administrative simplifiée. Sans être exhaustif, sont entre autres exclus, les établissements de crédit, les entreprises d'assurance et de réassurance, certains types de fonds d'investissement, certains véhicules de titrisation, les établissements de paiement et les établissements de monnaie électronique, ainsi que les sociétés exerçant la profession d'avocat. Pour une liste complète et détaillée, veuillez-vous référer à l'article 2 de la Loi Dissolution.
Procédure
La procédure comporte deux volets. En effet, malgré le caractère administratif de la nouvelle procédure de dissolution administrative simplifiée, celle-ci ne peut être initiée qu'à la demande exclusive du procureur d'Etat. En aucun cas un débiteur ne peut lui-même demander que la procédure simplifiée lui soit appliquée.
Afin d'effectuer les vérifications nécessaires, le procureur d'Etat peut avoir recours à toute une série d'informations dont il dispose déjà en partie, telles que les informations du RCSL. D'autres sources d'information sont également disponibles, dont notamment des informations provenant de l'administration fiscale, que le procureur d'Etat peut demander ou que les autorités concernées peuvent lui fournir spontanément.
Lorsqu'il existe des indices précis et concordants qu'une société remplit les trois conditions cumulatives, le procureur d'Etat demande au gestionnaire du RCSL d'engager une procédure de dissolution administrative sans liquidation.
Le gestionnaire du RCSL ouvrira ladite procédure de dissolution administrative simplifiée dans les trois jours de la demande du procureur d'Etat. Par ailleurs, il notifiera la décision à la société concernée par lettre recommandée avec accusé de réception et publiera l'avis dans deux journaux luxembourgeois ainsi que dans le Recueil électronique des sociétés et associations (RESA).
A partir de la publication au RESA de l'avis susmentionné, l'article 444 du Code de commerce s'applique, ce qui signifie que la direction de la société concernée est dessaisie de tout pouvoir de gestion.
À compter de la date de cette publication, le gestionnaire du RCSL commencera à effectuer les contrôles nécessaires afin de déterminer si les conditions cumulatives de la Loi Dissolution sont remplies ou non. À cette fin, il exigera la communication d'informations supplémentaires sur la situation financière et administrative de l'entreprise concernée et contactera dès lors divers intermédiaires désignés comme les établissements de crédit, les assureurs dommages, le registre des hypothèques, l'autorité de sécurité sociale, etc.
Après avoir effectué son analyse et ses tâches, le gestionnaire du RCSL informe le procureur d'État du résultat de celles-ci. S'il est confirmé que les trois conditions cumulatives de la Loi Dissolution sont remplies, le procureur d’Etat demande au gestionnaire du RCSL de poursuivre et de finaliser la procédure de dissolution administrative sans liquidation. Toutefois, si l'une des conditions cumulatives n'est pas remplie, le procureur d’Etat demande au gestionnaire du RCSL d'arrêter la procédure. Dans un souci de transparence et d'information du public, la décision d'arrêt de la procédure est publiée par le gestionnaire du RCSL au RESA.
Recours
La société concernée ainsi que tout tiers intéressé qui estime que les trois conditions cumulatives requises pour la mise en œuvre de la procédure de dissolution administrative simplifiée ne sont pas remplies, peuvent former un recours contre cette décision devant le juge présidant la chambre du tribunal d'arrondissement siégeant en matière commerciale agissant en tant que juge du fond dans le mois suivant la publication de la décision au RESA.
Si le juge estime que les trois conditions cumulatives ne sont pas remplies, il rapporte la décision d'ouverture de cette procédure, qui sera publiée au RESA.
Il est important de noter que si des actifs apparaissent après la clôture de la procédure de dissolution administrative sans liquidation, le tribunal d'arrondissement peut, à la demande du procureur d’Etat, annuler la décision de clôture de la procédure de dissolution administrative sans liquidation de la société et ordonner sa liquidation.
Toutefois, il est nécessaire de souligner qu'en l'absence de toute définition de la notion d’"actifs" dans la Loi Dissolution, d'éventuelles difficultés d’interprétations sont susceptibles de survenir à l'avenir à cet égard.
Calendrier et effet
La procédure de dissolution administrative simplifiée est clôturée au plus tard six mois après la publication de la décision d'ouverture de la procédure au RESA. La décision du gestionnaire du RCSL de clôturer la procédure est publiée au RESA.
La décision de clôture des opérations de la procédure de dissolution administrative sans liquidation entraîne la dissolution de la société.
Entrée en vigueur
La Loi Dissolution entrera en vigueur le premier jour du troisième mois suivant sa publication au Journal officiel, ce qui signifie que compte tenu de la date de publication du 4 novembre 2022 de la Loi Dissolution, celle-ci entrera par conséquent en vigueur le 1er février 2023.
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