La loi du 7 août 2023 portant modification du Code du travail, de la loi modifiée du 29 août 2008 sur la libre-circulation des personnes et l’immigration (la « Loi immigration ») et de la loi modifiée du 18 décembre 2015 relative à l’accueil des demandeurs de protection internationale et de protection temporaire a été publiée au journal officiel le 28 août 2023 (la « Loi »).
La Loi entrera en vigueur le 1er septembre prochain.
Contexte
Le Code du travail interdit d’ores et déjà l’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, à savoir l’emploi de toute personne :
- qui n’est pas un citoyen de l’Union européenne ou qui ne jouit pas du droit communautaire à la libre circulation,
- qui est présente sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg, et
- qui ne remplit pas ou ne remplit plus les conditions de séjour prévues par la Loi immigration.
Sont ainsi visés, par exemple, les ressortissants de pays tiers séjournant au Luxembourg pour une durée supérieure à trois mois mais qui ne disposent pas d’un titre de séjour.
Dans ce contexte, la Loi :
- interdit, au-delà de l’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, l’emploi de ressortissants de pays tiers en situation irrégulière ;
- renforce les sanctions auxquelles s’exposent les employeurs, dans le but de dissuader davantage les employeurs d’occuper des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ou en situation irrégulière.
La Loi modifie également la Loi immigration, avec l’objectif de rendre le Luxembourg plus attrayant pour les travailleurs des pays tiers. La Loi modifie finalement le processus de déclaration de poste vacant que doivent effectuer les employeurs auprès de l’ADEM avant d’embaucher un ressortissant de pays tiers sur le territoire national, avec là encore l’objectif de faciliter l’embauche de ressortissants étrangers sur le territoire luxembourgeois.
Nouvelle interdiction de l’emploi de ressortissants de pays tiers en situation irrégulière
La loi définit le ressortissant de pays tiers en situation irrégulière comme celui travaillant sur le territoire du Grand-Duché de Luxembourg mais ne remplissant pas, ou plus, les conditions inhérentes à l’autorisation de travail exigée par la Loi immigration.
Le ressortissant de pays tiers en situation irrégulière est donc celui qui est en séjour régulier, mais sans autorisation de travail.
La Loi immigration exige déjà une telle autorisation de travail pour les ressortissants de pays tiers souhaitant séjourner sur le territoire luxembourgeois pour une durée de maximum 90 jours et y exercer une activité salariée ou indépendante (à moins qu’ils ne tombent sous le coup de l’une des exemptions listées par la Loi immigration). La Loi étend cette exigence aux ressortissants de pays tiers souhaitant séjourner et travailler sur le territoire luxembourgeois en qualité de salarié, pour une durée de plus de trois mois.
Tout comme en matière d’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, les employeurs devront veiller à détenir, pendant toute la durée de l’emploi, une copie de l’autorisation de travail du salarié en vue d’une éventuelle inspection.
Renforcement des sanctions à l’égard des employeurs en cas d’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier ou en situation irrégulière
Le Code du travail prévoyait initialement la possibilité d’infliger une amende administrative de 2.500 euros par ressortissant de pays tiers à tout employeur qui emploierait un ou plusieurs ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier.
Le Code du travail prévoyait en outre un emprisonnement de huit jours à un an et/ou une amende de 2.501 à 20.000 euros par ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier, si l’emploi d’un tel ressortissant se fait dans l’une ou plusieurs des circonstances listées par le Code (et détaillées ci-après).
Dans une démarche de dissuasion, La Loi augmente le seuil des amendes administratives pouvant être prononcées, passant de 2.500 euros à 10.000 euros par ressortissant de pays tiers. S’agissant de l’amende pénale, celle-ci passerait de maximum 20.000 euros à maximum 125.000 euros par ressortissant de pays tiers, si l’une au moins des circonstances suivantes est remplie :
- l’infraction est répétée de manière persistante ;
- l’infraction a trait à l’emploi simultanée d’au moins deux ressortissants de pays tiers en situation irrégulière ;
- l’infraction s’accompagne de conditions de travail particulièrement abusives ;
- l’infraction est commise par un employeur qui utilise le travail ou les services d’un ressortissant de pays en situation irrégulière en sachant que cette personne est victime de la traire des êtres humains ;
- l’infraction a trait à l’emploi illégal d’un mineur ressortissant de pays tiers en situation irrégulière ;
L’ensemble des sanctions renforcées détaillées ci-avant s’appliquent désormais tant en cas d’emploi de ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier qu’en cas d’emploi de ressortissants de pays tiers en situation irrégulière.
A noter que comme c’est déjà le cas pour l’emploi de ressortissant de pays tiers en séjour irrégulier, la Loi pose une présomption selon laquelle l’emploi illégal a duré au moins trois mois, la preuve contraire ne pouvant être rapportée que par écrit.
Autres mesures visant à élargir le champ d’accès au marché du travail
La Loi introduit un certain nombre d’amendements à la Loi immigration avec pour objectif de rendre le Luxembourg plus attrayant pour les travailleurs des pays tiers, et donc plus compétitif.
La Loi ajoute en premier lieu une exemption supplémentaire à l’exigence d’une autorisation de travail dans le chef des ressortissants de pays tiers souhaitant séjourner sur le territoire national pour une durée de maximum 90 jours sur une période de 180 jours, et y exercer une activité salariée ou indépendante.
Auparavant, une exemption s’appliquait (notamment) aux personnes souhaitant séjourner sur le territoire national pour y effectuer une prestation de services au sein du même groupe d’entreprises.
La Loi étend cette exemption aux personnes entendant séjourner sur le territoire national pour y effectuer une prestation de services pour le compte d’une entreprise n’appartenant pas au même groupe. Cette dérogation supplémentaire semble s’imposer dans la mesure où ce type d’activité reflète une réalité dans bon nombre de secteurs de l’économie luxembourgeoise.
La Loi attribue ensuite aux membres de famille de ressortissants de pays tiers titulaires d’un titre de séjour luxembourgeois le libre accès au marché de l’emploi, sur seule base du titre de séjour « membre de famille » délivré. Les membres de famille ne sont dès lors plus obligés de faire une demande en obtention d’une autorisation de travail en sus de leur titre de séjour.
Finalement, La Loi érige l’autorisation de voyage « ETIAS » (système européen d’information et d’autorisation concernant les voyages) comme une condition préalable obligatoire pour l’entrée sur le territoire luxembourgeois des ressortissants de pays tiers exemptés de visa pour des séjours n’excédant pas 90 jours sur une période de 180 jours. Cette obligation de détenir une autorisation de voyage « ETIAS » s’étend également aux membres de famille, ressortissants de pays tiers, d’un citoyen de l’Union souhaitant enter et séjourner au Luxembourg pour une période allant jusqu’à trois mois, à moins qu’ils ne disposent d’une carte de séjour valable.
L’autorisation de voyage « ETIAS » permettra d’estimer si la présence du ressortissant de pays tiers concerné sur le territoire luxembourgeois est susceptible de présenter un risque en matière de sécurité ou d’immigration illégale, ou un risque épidémique élevé.
Simplification du processus de déclaration de poste vacant
A ce jour, le Code du travail exige que tout poste de travail vacant sur le territoire luxembourgeois soit déclaré à l’Agence pour le développement de l’emploi (« ADEM »), et ce dans l’intérêt du maintien du plein-emploi sur le territoire national.
Ce principe reste inchangé suite à l’entrée en vigueur de la Loi.
Le Code du travail prévoyait par ailleurs que si endéans un délai de trois semaines à compter de la déclaration de poste vacant, l’ADEM n’a pas proposé à l’employeur de candidat remplissant le profil requis pour le poste déclaré, l’employeur peut demander une attestation lui certifiant le droit de recruter la personne de son choix, y compris un ressortissant de pays tiers. Le certificat est alors établi dans un délai de cinq jours ouvrables.
Sur ce point, La loi entérine des modifications substantielles, alors que l’ancien système obligeait les employeurs à attendre un mois avant d’obtenir une décision de l’ADEM et de pouvoir embaucher le candidat de leur choix.
Il est désormais possible pour tout employeur légalement établi au Luxembourg et autorisé à exercer l’activité relative au poste vacant de faire une demande de certificat l’autorisant à recruter la personne de son choix immédiatement après avoir procédé à la déclaration de poste vacant. Cette demande de certificat devra être faite, sous peine de forclusion, avant la date d’expiration de l’offre d’emploi.
A partir de là, plusieurs hypothèses sont envisageables :
- si le poste vacant à pourvoir correspond à un métier figurant sur la liste des métiers déclarés très en pénurie par l’ADEM, cette dernière délivre le certificat dans un délai de cinq jours ouvrables ;
- si l’ADEM constate, sur une période initiale maximale de sept jours ouvrables suivant l’émission de l’accusé de réception de la demande de certificat, qu’il existe des demandeurs d’emploi inscrits à l’ADEM, disponibles et correspondants au profil recherché, l’ADEM dispose d’un délai de 15 jours pour soumettre ces profils à l’employeur :
- en cas de refus du profil par l’employeur, ce dernier devra fournir à l’ADEM, dans un délai d’un mois, une motivation circonstanciée portant sur les raisons de ce refus, et basée sur une analyse du profil du candidat par rapport à la description du poste. A défaut, la demande de certificat sera rejetée ;
- si, suite au refus motivé de l’employeur, l’ADEM considère que le refus est justifié, , le certificat sera émis dans un délai de dix jours ouvrables. Si l’ADEM considère que le refus n’est pas justifié, la demande de certificat sera rejetée endéans 10 jours.
- si, sur la période initiale maximale de sept jours ouvrables, l’ADEM conclut à ce qu’aucun demandeur inscrit ne correspond au profil recherché, l’ADEM délivre le certificat dans un délai de cinq jours ouvrables.
A tout moment, l’ADEM peut également rejeter la demande de certificat si elle considère que la déclaration de poste vacant a un caractère manifestement exagéré en ce qu’elle comporte un critère de sélection qui n’est pas indispensable à l’exécution des tâches visées par la déclaration.
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