La loi du 22 juin 2022 sur la gestion et le recouvrement des avoirs saisis ou confisqués ("Loi de 2022"), entrée en vigueur en date du 5 juillet 2022, a pour but de parachever la transposition de la Directive 2014/42/UE du Parlement européen et du Conseil du 3 avril 2014 concernant le gel et la confiscation des instruments et des produits du crime dans l'Union européenne qui a déjà fait l'objet d'une transposition par une loi du 1er août 2018 portant modification de diverses dispositions en vue d'adapter le régime de confiscation.
Par avis motivé du 11 mars 2019, la Commission européenne a en effet estimé qu'il ressort de l'analyse des mesures de transposition notifiées, que le Luxembourg n'a que partiellement mis en œuvre les obligations découlant de la directive susvisée.
La Loi de 2022 a dès lors pour objectif de répondre aux manquements soulevés par la Commission européenne notamment par la création d'un Bureau de gestion des avoirs ("BGA") placé sous l'autorité du ministre ayant la justice dans ses attributions et d'un Bureau de recouvrement des avoirs ("BRA") auprès du ministère public de l'arrondissement judiciaire de Luxembourg, au sein de la section économique et financière (I.).
La Loi de 2022 prévoit également l’obligation de transfert et de consignation de sommes faisant l’objet d’une saisie pénale auprès de la Caisse de consignation ("CDC") (II.) et fait peser de nouvelles obligations sur les professionnels (III.)
Enfin, la Loi de 2022 amène à nous interroger sur le sort des avoirs saisis lorsque les professionnels, et plus particulièrement les établissements de crédits disposent d’un gage constitué sur ces mêmes avoirs au titre de la loi du 5 août 2005 sur les contrats de garantie financière, telle que modifiée (la "Loi de 2005") (IV.)
I. Le BGA et le BRA : deux nouveaux acteurs responsables de la gestion et du recouvrement des avoirs saisis
Le BGA a notamment pour mission de gérer toutes les sommes, qu'il s'agisse de numéraire, de soldes inscrits au crédit d'un compte, de créances ou d'actifs virtuels saisis au cours d'une procédure pénale nationale ou étrangère. Les biens saisis seront conservés auprès de la CDC dans l'attente d'une décision de justice définitive ordonnant la confiscation, la destruction ou la restitution de ces biens.
Le BRA aura quant à lui, entre autres, pour mission, de détecter et de dépister des biens susceptibles d'être saisis ou confisqués dans le cadre d'une coopération internationale ou d'une enquête ou d'une instruction judiciaire nationale, de même que d'assister le Parquet dans l'exécution des jugements de condamnation.
II. L’obligation de consignation et de transfert auprès de la CDC
La Loi de 2022 impose la consignation de sommes faisant l'objet d'une saisie dans le cadre d'une procédure pénale luxembourgeoise ou étrangère auprès de la CDC.
Par conséquent, depuis le 1er octobre 2022, les sommes, qu'il s'agisse de numéraire, de soldes inscrits en compte ou de créances, faisant l'objet d'une saisie pénale seront transférées et consignées, sur ordre du Parquet ou du juge d'instruction, auprès de la CDC.
III. Quelles sont les nouvelles obligations pour les professionnels ?
Tout d’abord, les professionnels sont tenus de transférer les avoirs faisant l'objet d'une saisie vers la CDC.
De plus, la Loi de 2022 prévoit que le BRA pourra demander des informations sur le patrimoine du condamné auprès des professionnels qui sont tenus de répondre à toutes les questions posées sans être autorisés à faire état de cette demande à leur client, sous peine d'une amende de 1.250 à 1.250.000 euros.
Par ailleurs, s’il s’avère que les informations fournies révèlent l'existence d'avoirs appartenant au condamné, le BRA peut charger les professionnels de mettre ces avoirs à sa disposition ou de les transférer à la CDC et ce, à concurrence du solde de confiscation.
Enfin, tout tiers-saisi qui détient des sommes, qu'il s'agisse de numéraire ou de soldes inscrits au crédit d'un compte, créances ou actifs virtuels saisis avant l'entrée en vigueur de la Loi de 2022 (soit le 5 juillet 2022) est tenu d'informer le BGA de ces actifs avant le 1er avril 2023 et de suivre les instructions, notamment de transfert, qu'il recevra concernant ces actifs.
IV. Quels impacts pour les avoirs gagés au titre de la Loi de 2005 ?
L’article 20(4) de la Loi de 2005 dispose que les contrats de gage restent valables et opposables aux tiers nonobstant toute saisie pénale. Il s’en suit qu'aux termes de cet article les droits du créancier gagiste priment sur les droits du saisissant. Selon la position dégagée par la jurisprudence, le créancier gagiste continuera de bénéficier de toutes les prérogatives que lui confère le gage et pourra exécuter le gage en cas de survenance d'un fait entrainant son exécution. Ce n'est que si le gage n'est pas exécuté ou qu'il vient à s'éteindre que la saisie pénale produira ses effets.
La Loi de 2022 semble toutefois être en contradiction avec l'article 20(4) de la Loi de 2005 dans la mesure où cette dernière impose désormais le transfert des avoirs faisant l’objet d’une saisie pénale à la CDC, ce qui aurait pour effet de faire perdre à l’établissement de crédit créancier gagiste le bénéfice de son gage, étant donné que les dépôts d'argent sont des dépôts irréguliers (voir des prêts de consommation) qui ne font naître qu'une créance à l'encontre de l'établissement de crédit. Un gage sur un compte de dépôt porte donc sur une créance détenue à l'encontre d'un établissement de crédit qui viendrait à s'éteindre du fait du transfert.
L’articulation entre l'article 20(4) de la Loi de 2005 et la Loi de 2022 n'a été ni envisagée ni par conséquent réglée, à ce stade, par le législateur ou les juges luxembourgeois.
Nos départements Banking & Financial Services et Dispute Résolution ont déjà eu l’occasion de s’interroger sur cette problématique et de conseiller des établissements de crédits en la matière.
N'hésitez pas à nous contacter pour obtenir des informations supplémentaires.
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