La loi du 26 juillet 2023 visant à réformer en profondeur le droit d’établissement est entrée en vigueur depuis le 1er septembre 2023. L’intention affichée du législateur est claire : créer un cadre juridique moderne visant à stimuler l’esprit d’entreprise. Le législateur a également souhaité adapter le droit d’établissement aux nouvelles pratiques commerciales et aux évolutions technologiques.
Voici un tour d’horizon des principaux changements :
1. L’exclusion des activités occasionnelles
Le législateur apporte tout d’abord une clarification heureuse qui éliminera désormais toute incertitude sur la nécessité d’obtenir une autorisation d’établissement pour les personnes exerçant une activité de façon occasionnelle.
La loi précise désormais que seules les personnes exerçant une activité de “manière habituelle” seront dans l’obligation de détenir une autorisation d’établissement.
C’est donc bien l’exercice répété d’une activité qui rend nécessaire l’obtention d’une autorisation d’établissement et ce, peu importe que celle-ci soit l’activité principale ou accessoire de la personne concernée.
2. L’exigence de la présence physique du dirigeant dans l’établissement
Outre l’exigence de la gestion régulière permanente et effective, la nouvelle loi exige désormais expressément que le dirigeant ait une présence physique au sein de l’établissement. La loi ne précise toutefois pas à quelle fréquence le dirigeant devra être présent physiquement, laissant ainsi une marge d’appréciation selon la nature de l’activité exercée. Le dirigeant devra sans nul doute s’assurer que sa présence physique est cohérente avec la nature de l’activité exercée. En tout état de cause, il ne sera plus possible pour le dirigeant d’assurer la gestion journalière uniquement à distance.
3. Suppression de l’obligation d’être salarié, associé ou actionnaire
La nouvelle loi prévoit que le dirigeant doit avoir un lien réel avec l’entreprise en étant propriétaire s’il exerce son activité en nom personnel ou mandataire inscrit au Registre de commerce et des sociétés si l’entreprise prend la forme d’une société.
Il n’est donc désormais plus requis d’être associé, actionnaire ou salarié. Cette simplification a pour but d’établir plus directement le lien entre le dirigeant et la société pour écarter plus efficacement le recours aux personnes interposées.
4. Durcissement de la loi concernant le critère de l’honorabilité professionnelle
La loi renforce les exigences quant à la condition d’honorabilité devant être remplie dans le chef du dirigeant mais également dans celui du détenteur de la majorité des parts sociales, et de toute personne en mesure d’exercer une influence significative sur la gestion ou l’administration de l’entreprise.
La loi élargit en effet la liste des situations constituant, de facto, des manquements qui affectent l’honorabilité professionnelle. Cette liste intègre désormais toute violation à la loi du 13 janvier 2019 instituant un Registre des bénéficiaires effectifs, le défaut de se conformer aux chapitres 2 et 3 de la loi du 12 novembre 2004 relative à la lutte contre le blanchiment et contre le financement du terrorisme, le défaut de déclarations d’impôt direct et indirect (incluant le défaut de déclaration de retenue à la source) ou encore la dissimulation d’une partie du passif ou l’exagération de l’actif de l‘entreprise en cas de reprise d’entreprises.
La nouvelle loi apporte enfin une précision sur les situations privant une personne de toute honorabilité professionnelle. La loi fait désormais référence à un manquement par cette personne à la loi, un règlement ou une mesure administrative qui affecte si gravement son intégrité professionnelle, qu’on ne peut tolérer qu’elle exerce ou continue à exercer l’activité autorisée ou à autoriser.
La loi rend donc ce critère plus objectif en faisant référence à la violation d’une norme juridique. Toutefois, la notion de « gravité » reste à l’appréciation du Ministère de l’Economie.
5. L’encadrement de nouvelles activités et création d’une nouvelle profession
Le législateur a souhaité désormais encadrer certaines pratiques dans le secteur de l’immobilier, de la location de bureaux et de l’hébergement afin de renforcer la protection des consommateurs en les soumettant à certaines obligations de formation et de sécurité.
La réforme introduit ainsi la profession d’apporteur d’affaires immobilier pour répondre à l’évolution des pratiques professionnelles immobilières où cette activité est devenue une profession à part entière. Ainsi toute personne dont l’activité commerciale consiste à mettre en relation un agent immobilier ou un promoteur immobilier et toute autre personne souhaitant vendre ou louer un bien immobilier devra désormais être titulaire d’une autorisation d’établissement et se conformer à certaines obligations notamment en matière de formation.
La location de bureaux ou d’espace de travail partagé, ou dit de « coworking », qui s’est fortement développée ces dernières années est désormais une activité règlementée nécessitant également la détention d’une autorisation d’établissement.
Enfin et c’est une petite révolution, la location d’hébergement de courte durée est désormais encadrée par la loi.
Le législateur s’attaque ici aux nouvelles pratiques de mise à disposition d’hébergement à la location à courte durée facilitées par les plateformes internet qui ont fleuri ces dernières années. Le législateur a ainsi jugé utile de tenir compte de ces nouvelles pratiques en redéfinissant l’activité d’exploitant d’hébergement dans le but de faire entrer le propriétaire dans le cadre concurrentiel et réglementaire de celui de l’exploitant d’un établissement d’hébergement.
Toutefois, toute personne qui donne en location un logement pour une courte durée ne tombera pas dans le champ d’application de la nouvelle loi. Ce n’est en effet qu’à partir du dépassement d’un certain seuil qui a été fixé à 90 nuitées cumulées au cours d’une année que la personne sera tenue d’obtenir une autorisation d’établissement, et de se conformer à des obligations notamment en matière d’hygiène et de sécurité similaires à celles déjà en place dans le secteur de l’activité hôtelière.
En pratique, toute personne qui fait de la location de courte durée devra donc désormais établir pour chaque unité d’hébergement un décompte des nuitées louées, qui s’additionnent avec les nuitées des autres unités d’hébergement mises en location par cette même personne. La nouvelle loi fait ainsi référence à la notion d’unités d’hébergement qui sont définies comme « un espace de logement meublé à destination d’une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois ».
Dès que ce seuil aura été dépassé, les personnes concernées auront l’obligation d’accomplir avec succès, dans un délai de six mois suivant la réalisation du seuil des 90 nuitées, une formation portant notamment sur les règles générales d’hygiène des denrées alimentaires.
6. Protection du nouveau dirigeant qui reprend une entreprise
Afin d’éviter que des dirigeants d’entreprises renoncent à leur autorisation d’établissement, au profit d’un nouveau dirigeant en dissimulant à ce dernier l’état financier réel de l’entreprise, notamment au regard des dettes publiques restant dues, la nouvelle loi prévoit désormais qu’une telle dissimulation constitue un manquement qui affecte l’honorabilité professionnelle du dirigeant.
Le dirigeant qui aura ainsi dissimulé la réelle situation de la société au futur dirigeant, ne pourra plus exercer une nouvelle activé commerciale dans le futur, car il ne remplira plus le critère de l’honorabilité professionnelle.
Cette nouvelle règle, qui a pour objectif de protéger les futurs dirigeants désireux de reprendre une entreprise, risque toutefois de soulever plusieurs questions dans sa mise en œuvre. Il se pose en effet la question de savoir qui devra rapporter la preuve de la dissimulation et comment le Ministère de l’Economie, en charge de vérifier si les conditions d’honorabilités sont remplies, sera informé de l’existence d’une telle dissimulation.
7. L’introduction du principe de seconde chance suite à une faillite
Une autre nouveauté est l’introduction du principe de seconde chance. Le projet de loi introduit ainsi un nouveau dispositif, à travers lequel le Ministre peut, après avoir recueilli l’avis favorable d’une commission de la seconde chance, octroyer une nouvelle autorisation à une entreprise qui fait appel à un ancien dirigeant, ou à une personne ayant été en mesure d’exercer une influence significative sur la gestion ou l’administration d’une entreprise, ou a été détenteur de la majorité des parts sociales d’une entreprise déclarée en état de faillite, si cette personne démontre que la faillite résulte directement de l’une des causes suivantes :
- une calamité naturelle qui a été reconnue comme telle par le Gouvernement en conseil ;
- une destruction involontaire du lieu de production ou de l’outil de production ;
- la perte d’un client prééminent ;
- un chantier de travail public d’envergure ;
- l’incapacité partielle ou totale de travail du dirigeant médicalement attestée ;
- une pandémie reconnue comme telle par le Gouvernement en conseil ;
- une perte de rentabilité à la suite d’une perturbation majeure du marché.
S’agissant de la perte de rentabilité à la suite d’une perturbation majeure du marché, il faudra toutefois que la faillite ait été rendue sur aveu.
En outre, et si les dettes de la personne concernée envers des créanciers publics dépassaient certains seuils fixés par la nouvelle loi, ladite personne devra obtenir un accord de paiement avec les autorités concernées relatif à l’apurement des anciennes dettes avant de pouvoir bénéficier de la seconde chance.
8. Simplification et digitalisation des procédures administratives
Les démarches administratives sont simplifiées avec une nouvelle plateforme dédiée aux demandes d’autorisation d’établissement et l’émission de l’autorisation en ligne via cette plateforme.
De même, les entreprises n'auront plus l’obligation de notifier au Ministère de l’Economie les changements de données inscrites au Registre de commerce et des sociétés.
Enfin, l'autorisation d'établissement contiendra désormais un code-barres en deux dimensions qui permettra aussi bien à la Direction générale des classes moyennes de modifier directement les informations inscrites dans l'autorisation d'établissement, que de permettre aux consommateurs d'avoir un accès en temps réel aux informations relatives notamment aux qualifications professionnelles et à la validité de l'autorisation d'établissement d'une entreprise.
Les entreprises ont l’obligation d’afficher le code-barres sur le site de l’entreprise et dans chaque point de vente sous peine d’une amende pouvant aller de 25 à 250 Euros.
*** Période transitoire ***
Attention, l’entrée en vigueur de la réforme a des conséquences immédiates pour les personnes qui exercent déjà certaines activités visées par les nouvelles mesures.
La loi prévoit en effet une période transitoire de 2 ans à compter du 1er septembre 2023 endéans laquelle les personnes qui sont titulaires d’une autorisation d’établissement au moment de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi devront se mettre en conformité avec les exigences de la nouvelle loi découlant des articles 8ter à 10.
Cela concerne concrètement les nouvelles activités et profession d’apporteur d’affaires immobilier, d’exploitants d’un établissement d’hébergement ainsi que les activités de location de bureaux ou d’espaces de travail partagé.
Ainsi, les personnes qui exerçaient déjà, au moment de l’entrée en vigueur la profession d’apporteur d’affaires immobilier, auront jusqu’ 1er septembre 2025 pour se conformer à l’obligation d’accomplir avec succès une formation accélérée portant, notamment, sur la connaissance des règles générales en matière immobilière.
De même, les professionnels exerçant déjà au moment de l’entrée en vigueur l’activité de location de bureaux, ou d’espace de travail partagé, auront quant à eux jusqu’ 1er septembre 2025 pour se confirmer à l’obligation de détenir une autorisation d’établissement spécifique à cette activité.
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